Royaume-Uni : la hausse des taxes sur les jeux d’argent divise le gouvernement et l’industrie

Alors que la chancelière Rachel Reeves s’apprête à présenter le budget d’automne le 26 novembre prochain, une bataille s’est engagée à Londres entre le gouvernement britannique et les acteurs du secteur des jeux d’argent en ligne. D’un côté, le Trésor et le Parlement soutiennent une forte augmentation de la fiscalité sur les paris et les jeux en ligne, au nom de la santé publique. De l’autre, les représentants des casinos et des opérateurs redoutent un effondrement de l’investissement et des milliers de suppressions d’emplois.


Taxer davantage les jeux en ligne pour réduire les dommages sociaux

Le Treasury Committee, commission parlementaire chargée des finances, a récemment publié un rapport sans détour. Il y recommande une hausse substantielle des taxes sur les jeux d’argent en ligne, estimant que les taux actuels ne reflètent pas la gravité des risques liés à l’addiction.
Le rapport propose de faire passer la Remote Gaming Duty de 21 % à 50 %, la Machine Games Duty de 20 % à 50 % et la General Betting Duty de 15 % à 25 %.

Pour les parlementaires, l’explosion du jeu en ligne au Royaume-Uni justifie une refonte fiscale majeure. En dix ans, la part du produit brut des jeux (Gross Gambling Yield) provenant des plateformes à distance est passée de 12 % en 2013/2014 à 44 % en 2023/2024. Une mutation jugée inquiétante par la présidente du comité, Dame Meg Hillier, qui dénonce une industrie « cachant ses aspects les plus destructeurs derrière l’image conviviale des arcades et des hippodromes ».

Le comité estime que les jeux en ligne encouragent une pratique hautement addictive, fondée sur la répétition rapide et la recherche de gains immédiats, « sans aucun bénéfice pour les familles et les communautés ».
Les députés rejettent les arguments de l’industrie selon lesquels la fiscalité actuelle serait suffisante et considèrent ces mises en garde comme du « chantage alarmiste ».

Le rapport conclut que la fiscalité doit être différenciée selon les formes de jeu : plus un produit favorise des comportements à risque, plus il doit être taxé. Le gouvernement est également invité à renforcer la lutte contre le marché noir afin d’éviter qu’une hausse des taxes ne profite aux opérateurs illégaux.


Les opérateurs redoutent un choc économique et social majeur

Face à ces intentions, la réaction du secteur a été immédiate. Le Betting and Gaming Council (BGC), qui représente la majorité des casinos britanniques, avertit qu’une augmentation de la Machine Games Duty, même limitée à 25 %, aurait des conséquences dévastatrices.

Selon ses estimations, jusqu’à 40 casinos pourraient fermer leurs portes, mettant en péril 3 500 emplois directs, soit un tiers de la main-d’œuvre du secteur. Une telle décision annulerait, selon le BGC, les bénéfices des réformes récemment engagées par le gouvernement pour moderniser le secteur et relancer l’investissement.

Le président du comité des casinos du BGC, Simon Thomas, alerte :

« Les casinos sortent à peine de la crise du Covid-19 et subissent déjà la pression de l’inflation et des charges sociales. Une nouvelle hausse de la fiscalité casserait la dynamique et détruirait les emplois que le gouvernement prétend vouloir sauver. »

Le secteur mise actuellement sur un plan d’investissement de 300 millions de livres sterling, destiné à transformer les casinos britanniques en véritables pôles de loisirs : paris sportifs, restauration, spectacles et divertissement nocturne.
Ces projets s’appuient sur les réformes portées par la ministre de la Culture Stephanie Peacock, qui voulait « remettre les casinos sur des bases saines ». Selon le ministère, cette modernisation devait générer jusqu’à 58 millions de livres de recettes supplémentaires pour le Trésor.

Mais pour la directrice générale du BGC, Grainne Hurst, toute hausse du MGD effacerait ces gains en un instant :

« Augmenter la taxe ne rapporterait pas plus de revenus. Cela réduirait les recettes en provoquant des fermetures et en détruisant des emplois qualifiés. »


Un dilemme entre santé publique et vitalité économique

Le débat britannique illustre une tension classique : comment protéger les joueurs vulnérables sans étouffer une industrie qui pèse des milliards de livres et des milliers d’emplois ?
D’un côté, les autorités veulent mieux encadrer les pratiques en ligne, perçues comme un terrain propice à l’addiction. De l’autre, les opérateurs affirment qu’une fiscalité excessive ne ferait que pousser les joueurs vers des sites illégaux, tout en affaiblissant l’économie réelle des casinos terrestres.

Le gouvernement devra trouver un équilibre entre justice sociale et compétitivité économique, un exercice d’autant plus délicat que les recettes fiscales du jeu représentent une source non négligeable pour le Trésor.

La décision finale de la chancelière Reeves, attendue fin novembre, dira si le Royaume-Uni choisit la voie de la régulation punitive ou celle d’un compromis économique. Quoi qu’il en soit, le sort du secteur des jeux d’argent britannique se jouera dans les prochaines semaines — entre prévention des risques sociaux et préservation d’une filière stratégique pour l’économie nationale.

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